dimanche 27 septembre 2009

Variante

Bon, c'est pas tout ça de remuer des vieilleries. Je passe maintenant à plus contemporain, et en l'occurrence au dernier texte en date.
Pour être tout à fait exact, ce n'est pas exactement le dernier dernier, mais enfin, c'est le dernier qui compte. Si j'osais, je dirais que c'est le poème de la maturité. J'ai écrit cela à la toute fin d'été 2004, je crois, à moins que ce ne fut début 2005. Ce dont je me souviens très très bien, c'est du défi technique : essayer de rimer un maximum sur la même rime ; un truc que je trouvais assez gainsbourien dans l'esprit. J'ai sciemment choisi une rime à la fois douce, féminine (c'est un peu plus facile !) pas trop évidente (éviter à tout prix les rimes en "i", en "é", en "oir" ou pire en "ar") et pas trop difficile non plus (en "ocre" par exemple, ça aurait fait un poème assez court !).
Sur ce défi technique, je me suis attaché à créer des nouveautés ; je voulais notamment créer un rythme défini à l'avance, organiser des cassures de rythme, maltraiter un peu l'ordonnancement hémistichien de l'alexandrin ; surtout, je me suis attaché à créer des rimes pas seulement autour d'adjectifs, mais aussi de noms communs, voire, comme je l'avais expérimenté peu de temps avant avec une certaine satisfaction, utiliser des formes conjuguées.
Au final, c'est un poème très très travaillé et dont je suis très fier ; pour être très calculé, très construit, je lui trouve néanmoins un côté spontané voire passionné. le thème m'est tombé dessus tout seul ; une sorte de fantasme pourri de clichés ; mais l'écriture se fit assez rapidement et elle aussi fut très différente des précédentes. Jusque là, j'écrivais et griffonnais beaucoup, essayant de faire entrer dans des cases des phrases que je torturais plus ou moins longtemps pour leur faire épouser la métrique ; cette fois, j'ai peu raturé ; j'ai posé sur le papier des vers que j'avais déjà mûrement et mentalement travaillés. Comme pour marquer cette originalité, ce nouveau style, j'ai versé dans deux travers qu'en temps normal je déteste : pas de titre, pas de ponctuation (où seulement le minimum). Je trouve en effet ce recours au "vers libre" non ponctué très dommageable ; la plupart du temps, le poète qui s'y adonne camoufle son manque de maîtrise, l'incertitude de son discours, derrière une liberté d'interprétation laissée au lecteur. J'ai toujours trouvé le procédé à la limite de l'escroquerie : imagine-t-on un film laissé sans dialogue, avec la mention "à vous d'imaginer !" ? Comment un truc laissé à la libre interprétation de chacun peut-il être partagé ? Peut-on partager ce qu'on n'a pas en commun ? Non, évidemment... Je me suis limité à la ponctuation essentielle, et ai renoncé à la facultative, tablant sur le fait qu'une seule respiration du texte serait la bonne, et la seule possible.
Pour le titre, j'ai un instant envisagé "la mante" ; ça reprenait la rime, et sa jouait entre l'insecte et l'amante ; mais bon, je me suis dit que même si la pirouette sémantique était habile, ça ne collait pas idéalement au texte ; donc je laisse sans titre.
je me suis amusé avec les strophes : je les ai construites pour qu'elles puissent avoir des formes qui semblent se répondre les unes aux autres. La dernière strophe : j'échange tout ce que j'ai écrit contre ces quatre lignes !
j'ai commis aussi dans ce texte un vrai néologisme : "chaloupante" ; mais je suppose qu'il est si explicite que peu s'apercevront que ce mot est inventé... J'ai utilisé le terme "fibule" qui fait un peu recherché, mais qui était parfait pour évoquer l'agrafe "des derniers vêtements que mes gestes tourmentent" !
J'ai fait lire ce texte à quelques personnes ; je ne peux pas dire que l'enthousiasme du lecteur ait été à la mesure du mien... Ah ! Ça y est ! Je suis un incompris !

vendredi 11 septembre 2009

Le miroir dans la boue

Le problème quand on crée ou qu'on essaie de créer, ce sont les redites. Pire encore, les impressions de redites. Avec ce texte, j'ai l'impression d'en avoir recopié et mélangé une bonne demi-douzaine de ceux qui existaient déjà...
Comme souvent, plus que le fond qui est assez commun, ce sont les circonstances de l'écriture qui sont amusantes.
Il y avait en fac un type un peu naïf mais pas méchant qui est vite devenu le souffre douleur de pas mal de gars ; j'avoue qu'en quelques occasions je me suis laissé moi aussi allé à quelques rudesses de langage avec ce Christophe D, mais en revanche j'ai toujours trouvé révoltante l'attitude de certains qui allaient jusqu'à des violences physiques et des brimades lourdes. Il faut bien admettre que de son côté, le naïf en question n'avait guère de réactivité ; il arrive souvent que des esprits faibles se laissent marcher dessus juste pour avoir le "plaisir" de se sentir important ; des sortes de victimes consentantes, en somme, de celles qui à force de se laisser faire et de tout subir, à force de n'avoir aucun amour propre, en deviennent méprisables et donc encore plus méprisées. Cercle vicieux dans lequel la victime et son bourreau s'alimentent l'un de l'autre.
Eh bien ce jour-là, celui de l'écriture de ce texte, c'est à dire le 13 décembre, je me trouvai assis, en cours, à côté de ce personnage falot. Totalement désintéressé par le cours, j'entrepris "d'écrire un poème" ; et pour me faire mousser auprès de l'éternel bizut qui dodelinait à mes côtés, je fis les choses en fier à bras ; prenant crânement une feuille, j'entrepris après un "autant écrire des alexandrins, ça me détendra..." d'inventer ce poème. J'y parvins sans trop de problème ; je voulais depuis longtemps recourir à ce thème, pour l'avoir évidemment vécu une paire de fois : la timidité qui vous fait renoncer à ce qui vous semble pourtant être tout à fait à votre portée.
J'écrivis ce poème en 35 ou 40 minutes ; après l'avoir recopié au propre sur une feuille à carreaux, je le jetai négligemment devant le bizut ; je garde dans l'œil son air étonné, sinon ahuri. Le gars n'en revenait pas et je sentis immédiatement que non seulement mon coup d'épate avait fonctionné, mais qu'en plus je venais de reléguer le gars à des années lumières ; lui qui jusque là devait se dire que ma compagnie non agressive était comme une sorte de rapprochement, je lui jetai à la figure que je condescendais à sa compagnie, mais que décidément, nous n'étions pas du même monde. Finalement, moi qui voulais me montrer amical, je lui fis ce jour là un bien cruel crochet... Bah, il a dû s'en remettre depuis !
Pour revenir au fond du problème et du poème, le meilleur exemple vécu que je puisse donner de cette timidité paralysante, c'est Corinne. En fin de Terminale, je fréquentais de plus en plus assidûment cette belle fille aux yeux de chat qui étudiait dans la classe de mon frère. De rapprochements en rapprochements, ma cour assidue (je dis bien "cour", n'est-ce pas, parce que j'essayais de séduire avec tant de désuétude, de précautions, d'usages dépassés, qu'on pouvait vraiment parler de "cour") semblait donner quelques résultats ; eh bien en fin d'année, j'ai sottement laissé partir Corinne sans même lui parler... Et pourtant, elle avait visiblement pour moi une attirance certaine à ce moment là. J'ai retrouvé la trace de Corinne voici peu via Copains d'Avant. Trace indirecte, puisque c'est sa sœur qui est réapparue et à qui j'ai demandé de transmettre mon bon souvenir et mon désir d'échange à son aînée ; eh bien, Corinne ne m'adressa pas même un message... Encore maintenant, quand j'évoque les mots "regret" et "occasions manquées" c'est toujours à Corinne que je pense. Je crois même avoir retrouvé quelques bribes de tentatives poétiques d'alors où elle m'obsédait totalement ; des trucs dont pour le coup, j'aurais honte de me prévaloir mais si mon nombreux fan club insiste, je les produirai ici...
Pour en revenir au texte, il fut donc créé en à peine une heure, et je ne le retouchai pas ; il est encore dans son jus, et, ma foi, je trouve l'ensemble assez satisfaisant. Le titre est quasiment contenu dans le texte ; une sorte de nouveauté pour moi. La reproduction présentée ici est issue de Renégat N°4 ; j'avais mis ce texte en dernière page ; l'illustration est de Claude Poser et correspond en tous points à l'idée que j'en avais ; à la réflexion, ce serait à refaire je choisirais une police de caractère moins typée ; mais à l'époque j'apprenais sur le tas ce qui constitue désormais mon métier.
Le pseudo est encore un exemple de mon pathétique esprit de chiffrage : Thomas Kazensky, c'est "Iceman", le nom du personnage joué pas Val Kilmer dans Top Gun.
J'en ai même pas honte.