mercredi 15 février 2012

RAZ

Alors voilà : j'ai écrit ce texte il y a une petite quinzaine. Les trois premières strophes sont allées assez vite et les deux suivantes furent plus longues à s'organiser. Je suis assez content du résultat, parce que ces quatrains sont tout à fait dans la lignée de ce que je voulais refaire, c'est à dire revenir à une écriture plus fluide, moins symbolique, moins éthérée. Une sorte de retour aux origines, et qui m'aura été difficile, presque douloureuse. Naguère, quand j'écrivais, je me laissais un peu dicter les rimes par l'impression générale, par une sorte de contexte particulier qui en quelque sorte se révélait au fil de la description. Et puis, ces dernières années, j'avais finalement opté pour des choses très léchées, très organisées, très construites, très conceptualisées et donc peut-être trop conceptuelles.
J'ai donc cette fois volontairement fait simple : rimes plates et formes classiques. Pour composer ce texte, je voulais absolument partir en décasyllabes. "La mort des amants", qui est sur ce modèle, me fascine ; en deux fois 5 pieds, le décor est planté : "Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères" ; une claque !
J'étais arrivé à une strophe satisfaisante en décasyllabes ; puis, juste pour me convaincre que c'était très bien ainsi, j'ai tout mis en alexandrins. Patatras ! C'était mille fois mieux avec 12 pieds!!
J'ai quand même conservé la rime initiale de Baudelaire (rime en ère) ce qui de mon point de vue était une sorte de justice rendue.
Sur le fond, il s'agissait encore, un peu sur le thème évoqué dans "regards furtifs" de parler des amours impossibles entre qui voudrait et qui n'y songe même pas.
Depuis toujours, je suis hanté par ce principe peut-être faux mais tellement ancré en moi : tous les hommes sont des sortes de brutes épaisses qui font des efforts sur eux-mêmes pour s'élever au niveau des femmes, qui elles condescendent parfois à descendre jusqu'à eux. Depuis tout petit, j'ai été éduqué dans cette image : une espèce de sacralisation assez malsaine des femmes, qui eut pour effet premier de me paralyser complètement au moment de les approcher. Même encore maintenant, je suis souvent tétanisé à l'idée de dépasser le stade du badinage verbal. Finalement, la monogamie est faite pour moi, je crois...
Cherchant dans mes souvenirs, c'est d'abord une image de BD qui me revenait, celle de l'héroïne du Sursis cette très belle BD de Gibrat. Allez savoir pourquoi, l'image jointe ici, et qui fut longtemps mon fond d'écran sur l'ordi, était mélangée avec celle de la couverture de la BD, quand la fille est à une table de café. Bref, le fantasme de ce poème était un mélange de trois images : deux venant du Sursis la dernière était celle d'Audrey dont la vision souriante à la table du restaurant où je l'emmenai déjeuner le mois dernier, me restait comme une apparition obsédante. Cette fille a 20 de moins que moi (18 en fait). Elle est née en 1990 ; je passais mon bac cette année-là ; l'année 90 est la meilleure année de ma vie.
Je suppose que tout le monde vit cela à un certain moment, vers la quarantaine, quand on sait qu'on entame la seconde moitié de sa vie : ce n'est pas tellement que j'ai le sentiment d'avoir raté ou manqué quelque chose ; globalement, ces 20 dernières années, je me suis bien amusé. Non, c'est juste que précisément, je le referais bien, maintenant que je sais que c'est pas mal. A mi-parcours, je me dis qu'un seul tour, c'est bien court !
Bah ! Même si j'ai été tenté de me rapprocher d'Audrey, d'aller plus près d'elle, je savais bien que c'était illusoire ; d'ailleurs, cette tentation idiote n'avait même pas de but précis. Peut-être voulais-je tout simplement espérer humer encore le parfum de mes 20 ans. Ma foi, je lui ai fais la bise en partant du restaurant ; geste hénaurme d'audace !