dimanche 25 septembre 2016

Sous une bonne étoile

Contemplant les étoiles, je me pénètre de l'insignifiance des choses.
Cette citation de de Gaulle, découverte dans ses mémoires, m'a scotché. Purgeons l’ambiguïté tout de suite : je sais bien qu'il y a dans cette formule un côté "que voulez-vous ma pov'dame, on est bien peu de chose !", mais comme tout, absolument tout, est fongible dans ce fatalisme de concierge, essayons de passer outre la tentation du vide et approchons-nous de l'infini.
Ce qui m'a scotché dans cette phrase, ce n'est pas tant la crise d'à-quoi-bonisme du grand homme ou même son fatalisme, c'est la poésie de la formule et du verbe.
De Gaulle, qu'on s'imagine en proie aux choix à faire, corseté par sa rigueur militaire et sa posture de grandeur, devait avoir des convictions nettes et la seule difficulté de les affirmer, de les faire valoir, de les faire vivre.
Et le voilà, sur un chemin de Haute-Marne, se perdant dans le ciel et "contemplant les étoiles" ; il ne s'y dissout pas, il n'y disparaît pas, il en est l'immense spectateur ! Il n'est pas écrasé par le poids de l'infini ; il est subjugué par la dimension du temps et l'immuabilité du ciel. Et il "se pénètre" de cette idée que rien ne bouge à l'échelle des étoiles. Encore une fois, il ne se fond pas dans l'infini : il s'en pénètre ! Curieuse formule ! "je me pénètre de L'INSIGNIFIANCE..." Comment se pénétrer de ce qui est insignifiant ? Le signifiant Vs le signifié ? Il y a les étoiles dont on a une image précise, et "les choses" c'est à dire tout le reste, qui ne signifient rien !?

Quelle claque ! Moi qui ai toujours eu la tentation du ciel !
Je devais avoir 6 ou 7 ans ; je venais de me voir offrir un petit avion de plastique à catapulter avec un élastique. De mémoire, une belle voilure delta en plastique bleu assez épais. Je sortis sur le perron de l'immeuble et lançai une première fois l'avion. Arbre. Je le récupérai et résolus de tenter des vols plus verticaux qu'horizontaux pour éviter de perdre l'engin. Je visai le ciel ; l'avion fila, dépassa le toit plat de l'immeuble, accrocha dans le même mouvement le soleil et le vent, embarqua sur l'aile gauche, plana un dixième de seconde et disparut gracieusement de mon champ de vision ; sur le toit. Perdu ?
Je me souviens être resté de longue minutes comme hébété : ce jouet tout neuf qui venait de disparaître m'importait assez peu. En revanche, je venais de découvrir que le ciel était accessible ! Le ciel des vrais avions, était celui dans lequel mon jouet avait plané ! Au dessus du toit , au-dessus de moi, au-dessus de tous et de tout, il y avait un immense espace dans lequel les objets gracieux filaient à toute allure, dans lequel on pouvait se mouvoir !
Je pris conscience du monde et du globe ce jour-là ! Je regardais autour de moi et, miracle du cerveau humain, je me fis mentalement ma première vue aérienne du quartier. Tel marquage dans la rue, tel chemin près de ma fenêtre, telle couleur de toit... Tout cela pouvait prendre un aspect si différent vu d'en haut !
Dès lors, je passais en été de longues heures allongé dans l'herbe à regarder passer les avions qui traçaient leur chemin blanc dans l'azur.
Contemplant les avions, je me pénètre de l'insignifiance des jouets... 
Naturellement, j'en suis venu à me jeter dans les espaces nocturnes ; j'ai quelques souvenirs de nuits à Hauteville avec le centre de loisirs, où, laissant les autres discourir et jouer autour du feu de camp, je m'allongeais les mains sous la nuque et me perdais dans le cosmos. Pas vraiment de grande considération là-dedans ; pas de grande fulgurance sur la brièveté de l'existence humaine, mais à 10 ans, mes premiers ressentis plurisensoriels : la nuit obscure ; le brouhaha des autres ne couvrant ni le crépitement aléatoire du feu ni la ritournelle vaine des grillons ; le froid du soir tombant sur les chevilles et dans les narines ; l'odeur des blés tout proches ; la chaleur diffuse du feu de camp ; les odeurs de pin des bûches coupées (souvent par moi !) quelques heures auparavant ; les hautes herbes qui sous moi se couvraient de rosée et exhalaient leur parfum d'été ; et la vue chaque minute plus précise de ce firmament gigantesque et indifférent ; une leçon d'indifférence. Peut-être est-ce cette indifférence qui troubla de Gaulle.
Je m'évertue à regarder les étoiles avec distance (forcément) et déférence ; j'ai développé quelques connaissances astronomiques, mais le moins possible ; pour conserver le mystère ; parce "qu'on admire mal ce que l'on connaît bien". Et je veux continuer à être sous le charme un peu magique des firmaments indifférents.
Je me souviens avoir attrapé Saturne, un soir, avec ma lunette astronomique. On voit parfaitement les anneaux de Saturne ! Quelle poésie ! Quelle immensité ! Quelle impudeur, aussi, me suis-je dit ! Comme si j'avais voulu, au lieu de me laisser pénétrer par l'insignifiance des choses que nous imposent les astres, soulever le voile céleste regarder l'Olympe dans les yeux. Je n'y suis quasiment jamais retourné. Saturne a ses anneaux ; je le sais  ; je le savais avec plus de certitude et de poésie, (avec une foi de croyant) qu'en les ayant vus de mes yeux.
"Dites à quelqu'un que le ciel compte cent mille milliards de milliards d'étoiles et il vous croira sur parole ; dites-lui que la peinture est fraîche et il voudra toucher pour en être sûr".
C'est la version britannique de l'insignifiance des choses, encore que les britons sont davantage sur l'inaccessibilité que sur l'insignifiance ; mais bon ! La poésie est française ; le commerce est anglais. 

Eh bien, rien n'est comparable au spectacle des étoiles ; pourtant, en des circonstances comme celles décrites dans ce sonnet, les étoiles peuvent aller se faire voir !
"L'insignifiance des choses" ne résiste pas du tout quand on aime à la belle étoile !
Je ne voudrais pas réécrire Uranus ; d'autant que le message est rigoureusement inverse : les étoiles et l'espace, ça peut être tout petit, sans intérêt, minuscule et restreint quand on embrasse à la belle étoile. On peut choisir de préférer l'immensité d'un regard et se jeter dans cet infini aussi mystérieux qu'une constellation.

mardi 26 juillet 2016

Le petit m'atteint (bis)

Ah , Le Cénotaphe, enfin, remplit son rôle, puisque me voici à publier des vieilles choses ; plus exactement, me voilà à finir un vieux poème laissé en plan. En juin 2014, j'avais écrit deux quatrains (voyez la reprise ci-dessous) sur la magie du jour qui se lève. Évidemment, ce n'est pas d'une originalité phénoménale, amis après tout, pourquoi faudrait-il se dispenser d'écrire simplement parce que l'image est déjà parue ?
Donc, j'ai poursuivi le poème. Il me restait comme un travail à faire, une tâche à accomplir, et en cela, l'idée d'avoir à le reprendre ne me plaisait qu'à moitié ; écrire par obligation, quelle purge !
Je suis plusieurs fois revenu vers ce texte ; le dernier vers du second quatrain ne me plaisait pas ; il était trop compliqué, trop emmêlé. Je voulais rendre la juxtaposition des couleurs dans le ciel du matin, mais ça n'allait pas : "Entre l'ombre et le noir quelques minutes assises / La pénombre de l'aube et des soirs bord-à-bord" ; il y avait un hiatus subjectif là-dedans ; comme une redite ou un "mal dit" assez grossier.
Il fallait donc, avant d'envisager la suite, reprendre ce vers ; je l'ai tenté maintes fois sans y parvenir. Et depuis quelques jours, j'avais dans la tête une image qui pouvait se résumer par "la ligne des toits" ; encore fallait-il lui trouver une expressivité suffisante, mais comme souvent, chaque fois que je voulais mobiliser mes pensées sur cette moitié de vers, j'étais pollué par une création d'autrui ; en l'occurrence "Le Capitaine" de Sheller et son "Dites-mois voyez-vous au loin la ligne des dunes / Qui borde la maison de thé ?"
Donc, première tâche, arriver à s'extraire de cette musicalité ; ce qui me prit deux jours et deux nuits avec le phénomène classique qui fait qu'on tient l'idée qui va bien au moment de s'endormir, qu'on ne se lève pas pour la noter "parce que c'est tellement limpide et évident que je m'en souviendrai forcément" et qu'au matin, on l'a déjà oubliée et qu'il est impossible de la retrouver....
Donc, "sur la ligne des toits d'où l'aube hésite encore" est quand même bien mieux que le version d'avant.

Restait à poursuivre ce poème ; mais je me méfie de moi-même, et comme je me sais très porté vers les 5 strophes, je me suis dit que le mieux serait encore de produire un sonnet, c'est à dire de n'ajouter que 6 vers à l'ensemble.
Ce qui n'est pas forcément plus facile.
Je voulais utiliser, comme je l'avais évoqué dans mon commentaire de juin 2014, le son du sable sur les trottoirs qui est particulier dans les matins d'été ; mais j'avais déjà utilisé "sable" dans mon fameux "monnaie de songe" que je ne changerais pas pour tout l'or du monde.
Puis, l'idée des coureurs du matin ; plus ennuyeux, Sheller la déjà fait ; oui, mais c'était une image d'un parc, et j'avais, moi, celle d'une rue et d'un trottoir en sable (on dit en "gore" comme je l'ai appris quand j'étais en 4ème à Lyon, mais je n'ai plus jamais entendu ce terme ailleurs ; dans le coin burgonde comme ailleurs, on dit "en stabilisé" alors que pour moi, les trottoirs ensablés comme les terrains de sports ont toujours été en gore... Au point que j'ai fini par imaginer que ce terme n'était pas le bon ou constituait un idiotisme si local qu'il ferait mieux de rester discret. Et puis, zut ! En cherchant un peu, j'ai trouvé en effet que le terme était surtout utilisé dans le lyonnais, et qu'il avait même une orthographe spécifique dans le beaujolais, en gorrhe, et même ghorre ! Alors bon, va pour gorrhe ! - https://fr.wikipedia.org/wiki/Ar%C3%A8ne_(g%C3%A9ologie) )
Donc, j'ai gardé mes joggers ! Et le vers "font tinter bien trop tôt le gorrhe des trottoirs" avec tous ces T qui marquent le rythme de la course.
Pour les deux tercets, je me suis penché sur les règles en matière de rimes et de croisements ; j'ai surtout retenu qu'en termes de règles, il n'y en avait quasiment aucune ! Aussi ai-je inventé ma propre règle avec un audacieux : ABA/BAC.
Quant au message du dernier tercet, je le revendique comme la transcription exacte des sentiments de solitude et de toute puissance de celui qui, seul, assiste au lever du jour.
Dans ce sonnet, finalement, chaque strophe à son vers majeur !
Le titre, en revanche, bon, c'est bâclé ! On trouvera mieux !



[Publication du 12 juin 2014]

Voici une dizaine de jours que j'ai écrit ces lignes. Peut-être plus.
Tous les ans vers le mois de juin, je souffre d'insomnies terribles : je me réveille à l'aube, poussé par une inexplicable nécessité de voir le jour se lever.
De mes années de veilleur, je garde des souvenirs crus de petits matins d'été : une compilation de sensations pour tous les terminaux sensoriels : l'odeur qui monte de la terre et des bitumes, les sons clairs dans l'air sec, la luminosité qui donne à tout des couleurs inespérées quelques minutes auparavant. La chaleur qui tombe d'un coup, qui s'impose d'emblée dès les premiers rayons de soleil qu'on prend directement ; cette chaleur qui n'est d'abord que dans les espaces soumis au soleil et dont on s'étonne quelques minutes plus tard, qu'elle se répande au-delà de la lumière qui la génère. D'abord, tout s'éclaire ; seuls se réchauffent les espaces exposés au soleil. Puis, même ce qui reste à l'ombre s'embrasse et cuit.
Dans l'air tout neuf du petit matin, le bruit des pas est cristallin, le sable des trottoirs résonne en grelots.
Et sur tout cela, j'ai le souvenir de l'odeur inimitable, entre le pain grillé et le caramel, de la cigarette qu'on allume parce qu'on est debout depuis déjà deux heures...
Je voulais rendre plus ou moins ces impressions ; exercice difficile, puisque je ne suis pas certain du tout que ce ressenti soit très partagé par quiconque : il faut avoir été veilleur de nuit pour comprendre ? Au moins en édulcorant un peu, on peut peut-être être parlant pour le plus grand nombre ?
Dans ce qui n'est probablement ici qu'un  début (deux petites strophes), je me contente de "que le sable aux paupières paye en monnaie de songe". Depuis des années je voulais utiliser ce jeu de mot monétaire. Je trouve que dans ce contexte, ça le fait bien.

mardi 26 avril 2016

Hugo Bros


Le propre du génie est de fournir des idées aux crétins une vingtaine d'années plus tard
Je n'ai pas une grande passion pour les poètes du XXe siècle en général, et carrément un mépris affiché pour Paul Eluard ; là, coup de bol, la citation est d'Aragon.
Citation elle-même assez crétine, mais bon, qu'attendre d'Aragon ?
En fait, plus j'avance dans la création, même épisodique, c'est à dire dans la retranscription de mes états d'âme, plus je m'aperçois des curieuses coïncidences qui créent des connexions entre les gens, les instants, les circonstances.
Ainsi, par exemple, je voulais ici, dans ce commentaire, rendre justice au texte initial, à savoir Gastibelza ; un texte de Victor Hugo sur une chanson (quelle musique !) de Brassens.
Alors oui, voilà, j'assume complètement : j'ai voulu faire un texte sur cette rythmique particulière, une chanson facile puisqu'étant plus proche du cover que de la création musicale ex nihilo (dont je suis parfaitement incapable).
Dans Gastibelza, deux choses à noter : d'abord ce titre ; moche ; mal fichu ; par du tout engageant ; raté ; puis le parti pris hispanisant ; une vraie réussite ! La répétition de la rime finale en agne/ou est une pure merveille ! Quand on regarde de près les références hispanisantes, on s'aperçoit qu'elles sont largement bidons, mais à l'écoute, pas de doute, c'est l'Espagne à portée des portugaises.
Rythme très très obsédant qui me semblait très complexe et très difficile à reproduire ; je gardais en mémoire cette chanson entendue une fois ou deux ; je ne me souvenais pas du titre (et pour cause !) mais très bien du "le vent qui vient à travers la montagne / M'a rendu fou". Et je gardais aussi le souvenir du parti pris hispanisant.
Bien ; et donc, là, pour rendre hommage aux créateurs originaux, je ressors une citation qui colle parfaitement pour annoncer d'emblée que j'assume d'être un faussaire, et de qui est-elle cette citation ? D'Aragon ; l'Aragon, c'est pas la Castille, mais enfin, c'est l'Espagne et Boby Lapointe pense comme moi.
Bref, toutes ces références se télescopent, et je trouve ça soit juste amusant, soit tout à fait troublant.

Ainsi, une chanson sur l'air de Gastibelza.
Dieu que ce fut difficile !
Quasiment aucune strophe ne fut aisée ou même agréable. Impossible, cette fois, de composer en une seule session sur mon bloc à carreaux ; j'ai écrit chaque strophe sur une longue période. Le première n'est jamais la plus compliquée, et cette fois, ce fut encore plus vrai. Il a fallu d'abord trouver de quoi parler. En ce qui me concerne les sensations vécues sont toujours un tropisme dont j'ai un mal fou à sortir. Toutefois, dès la première strophe j'ai utilisé une idée qui m'était venue voici 3 bons mois : combiner des jeux de mots avec "mal" et "mâle" ; j'avais ainsi sur une petite feuille de papier, listé les expressions contenant le mot "mal" et que j'avais remplacé par "mâle", ce qui donnait des choses très amusantes. Il faut aussi dire qu'en terminale, j'étais le seul garçon de la classe (ou presque, l'autre étant assez absent du "groupe classe" pour de pures raisons sexuelles qui l'entraînaient à préférer le "groupe classe" de sa dulcinée) ; en cours de sports, notamment, j'étais le seul mâle ; très astucieusement, le prof de sports (un sportif de rencontre, puisqu'il s'agissait d'abord d'un lettré) m'avait surnommé "le mâle nécessaire" ; je goûtai l'astuce et le compliment et je nourris dès lors une affection pour cette expression dont les vertus me paraissaient devoir me seoir.
Aussi, je résolus d'insérer dans chaque strophe un jeu de mot "mal/mâle" ; et comme, bien entendu, je m'apprêtais à écrire encore sur des amours impossibles, ça irait très bien !
Oui, mais voilà : le poème de Hugo est techniquement très complexe :
- un décasyllabe (et j'ai beaucoup de mal avec les décasyllabes !)
- un tétrasyllabe
Le tout répété 4 fois avec en plus les rimes ainsi organisées
A
B
A
B
C
D
C
D
Les derniers C/D étant reproduits à chaque strophe !
Bref, deux rimes par vers, quasiment, et la moitié de chaque strophe condamnée par des rimes choisies d'avance. Pfiou !
Je m'en suis sorti en décortiquant de façon quasiment mathématique le texte de Hugo ; en fait, il produit non un décasyllabe, mais un tétrasyllabe (4 pieds) auquel il adosse un demi-alexandrin (6 pieds) ; puis il ajoute un second tétrasyllabe.
Cette technique m'a permis d'avancer un peu plus vite, mais a posé d'autres problèmes, notamment la césure entre le 4+6, et la combinaison des "e" muets ; Hugo, lui, les évite le plus possible ; je sais d'expérience que ce n'est pas bien compliqué, mais n'oublions pas que de mon côté, il fallait là-dedans que je casasse des expressions bien précises (mâle du pays ; de mâle en pis ; mâle nécessaire ; guérir le mal par le mâle ; qui trop embrasse, mâle étreint ; mâle au cœur ; les fleurs du mâle ; les forces du mâle ; le mâle du siècle ; prendre son mâle en patience ; tant bien que mâle ; le moindre mâle ; l'axe du mâle ; un mâle pour un bien ; le remède est pire que le mâle).
Pour le pendant de Hugo et de son vers "à travers la montagne", j'avais en tête une expression obsédante depuis des mois : "sur tes lèvres me taire" ; je trouvais cette image fantas(ma)tique ! J'aime l'ambiguïté des lèvres comme la polyvalence de l'organe, si j'ose dire, à la fois outil de langage, mais aussi du baiser et du goût (pour ne parler que de ces lèvres-là...).
Pour le tétrasyllabe pendant de "me rendra fou" je voulais éviter la forme conjuguée (le plagiat aurait été trop flagrant) et me décidai pour "toute une vie" qui est tout à fait basique, mais je me suis aperçu que le vocabulaire des chansons est de cet ordre : basique, voire très basique. En outre, le "toute une vie" laissait des tas de possibilités pour la dernière strophe qui sert un peu comme un envoi d'une ballade ; Brassens (qui a retouché Hugo) passe ainsi de "me rendra fou" à "m'a rendu fou", et mon "toute une vie" laissait imaginer des "à l'infini" " toute ma vie" "pour une nuit" et toutes les variantes. Les rimes en "i", c'est d'un facile !
Vous vous rendez bien compte que fort de tout ça, composer des strophes s'est avéré très complexe ; se rajoutaient des impératifs : éviter d'avoir les mêmes rimes que dans le texte initial (donc pas de "agne" ni de "ou") et éviter que les rimes A et B soient les mêmes qu'en C et D ou que les rimes des deux tetrasyllabes soient identiques, par exemple :
Il faudrait pas que les vers nous ressemblent
A petits pas 
Je ne sais pas si je suis bien clair ?
Tant et si bien que sur chaque strophe il fallait 3 vers originaux dont le 3 se terminerait en "aire/ie" ; or, les rimes en "aire" ce n'est pas si simple : surtout que je voulais le plus possible éviter les adjectifs (c'est trop facile avec des adjectifs !) ; enfin, je tenais à des rimes vraiment classiques, c'est à dire homographes, comme au XIXe siècle ; éviter de faire rimer "ère" et "aire", mais privilégier chaque fois que possible "aire"/"aire" ; je suis loin d'afficher un score remarquable dans cet exercice...
Maintenant que vous avez ces clefs techniques, je vous fais juge :

Encore quelques éléments de forme : j'ai trouvé le titre sur le tard, à la toute fin du texte en plein dans la période "retouches" ; j’avais dans l'idée de reprendre la dualité "mâle/mal" qui fait l'intérêt du texte, et l'idée d'inverser l’astuce du poème s'est imposée ; il n'y a pas beaucoup d'expressions avec le mot "mâle" sinon "mâle dominant", qui transformée en "mal dominant" et vu la complète obsession qui m'habite depuis des semaines autour des circonstances de ce texte, colle parfaitement.
Au final, j'ai beaucoup retouché ces derniers jours ; certaines strophes ne m'allaient pas du tout ; il reste ici deux strophes problématiques, la 2 et la 3. La 2 fut écrite en quatrième et placée en 2, ce qui lui va bien (toutes les autres sont dans l'ordre de création), mais il y a un hiatus un peu disgracieux au vers 3 "bavard et incertain" ; ce "é/in" dissone. Mais bon, je n'ai pas trouvé mieux. Dans la 3, le premier vers est compliqué à chanter et donne l'impression qu'il lui manque un pied alors qu'ils sont tous là. Reste "près du verre d'eau" ; j'aimais cette image de table de nuit, mais n'étais pas certain que l'image du verre d'eau serait parlante ; testée, il s'avère qu'elle fonctionne ; donc je l'ai conservée. Je ne me suis aperçu qu'hier que, si on respecte la métrique, "Près du verre d'eau" fait 5 pieds ! Mais qui, même en déclamant, dirait "Près du verrE d'eau" ? Objectivement, personne ! Au point que "verre d'eau" devrait s'écrire "verdeau", non ? Dans cette strophe, histoire d'éclairer les prudes, il va de soit que "distraire" une dame en restant "au bord du lit" ne peut se faire qu'en se taisant sur certaines lèvres...
Question retouches, j'ai essayé de changer le refrain entre la dernière et les autres strophes, mais c'est bien l'ordre initial (reproduit ici) qui me semble le meilleur : futur antérieur x 6 et pour finir, conditionnel.

"Secrétaire des insomnies" dédié à toutes celles qui m'empêchent de dormir et m'obligent à raconter mes maux pour les soulager.