lundi 17 août 2009

12²

Ce texte est très imparfait, du moins quant à ses origines qui sont troubles et multiples ; sur la date, mes plus anciennes archives disent "mai 92 ou début juin 92" ; ce qui est parfaitement possible en effet, mais qui à coup sûr trahit la genèse mouvementée du texte.
Prenons-le par le début : le première strophe, c'est une sorte d'inspiration soudaine : quatre vers qui me sont tombés dessus alors que j'étais dans l'autobus ; il faisait sur Dijon un brouillard tenace ; c'était en hiver. Venant de Lyon, je pensais tout savoir du brouillard ; naïf ! Les brouillards de Dijon sont bien plus denses et bien plus tenaces que ceux de Lyon (qui ont perdu de leur extraordinaire depuis l'assèchement de bien des zones marécageuses). Sur Dijon, il arrive que le brouillard ne se lève pas pendant plusieurs jours ; et il est si dense que des réverbères, seule la lumière émerge : on ne distingue en effet que le halo de lumière, tandis que le candélabre lui-même reste complètement invisible. Ce sont "les brouillards éclairés" de ce texte ; le reste de la strophe m'est arrivée comme par enchantement dans le même autobus ; c'était donc en hiver, ce qui traduit que le texte en entier ne date pas du mois de mai...
Je suis donc resté pas mal de temps avec cette strophe toute seule ; je n'aime pas cela : les écritures en pointillés en générale ne donnent rien de bon... Mais cette fois, en revenant dessus un peu plus tard, quelques semaines en fait, je me suis dit que si cette strophe évoquait Dijon, il en fallait une autre pour évoquer Lyon : d'où "les rivières infernales" (la Saône et le Rhône), et d'où surtout l'opposition bien soulignée entre "mon pays", l'endroit où je me trouvais, Dijon, et "ma place", l'endroit où j'aurais dû être, Lyon. Dans cette strophe, j'ai emprunté à Cioran la formule "plutôt dans un égout que sur un piédestal" dont j'imagine qu'il n'avait pas fait exprès de produire ici un alexandrin !
Quant à la dernière strophe, elle m'est venue encore un peu plus tard, en effet entre mai et juin, en observant un insecte pilonnant un plafond dont il s'était fait le prisonnier.
Ce petit texte qui n'a l'air de rien, je ne l'ai jamais publié nulle part ; le titre est lamentable et lamentatif ; il mérite mieux que ce "complainte" ridicule... Mais bon, c'est ainsi !
Ce petit texte qui n'a l'air de rien compte parmi mes préférés.

samedi 1 août 2009

"Par mes moustaches, je suis en r'tard, en r'tard, en r'tard !" Le Lapin Blanc ; Alice au Pays des Merveilles

Encore un texte qui n'est pas tout récent (avril 1992). Dans ma mémoire, il était bien plus ancien, et datait même d'avant mon départ de Lyon. Quoi qu'il en soit, s'il fut écrit en Bourgogne, il se rapporte indéniablement à une expérience lyonnaise. Cela devait être en mai ou tout début juin 1991, quelques semaines, donc, avant mon départ pour Dijon. Suite à des circonstances sur lesquelles je ne m'alourdis pas histoire de ne pas sombrer dans des détails inutiles, j'avais décroché un rencard hasardfeux avec une fille dont je n'ai même pas retenu le nom depuis. Comme il se doit, c'est Place Bellecour "sous le cheval" que nous avions rendez-vous.
Dans le métro qui me conduisait dans la presqu'île de Lyon, mes réflexions allaient vers au moins trois évidences :
1. il n'y avait aucune chance pour que cette fille vienne au rendez-vous ;
2. si par miracle elle venait quand même, je n'étais même pas certain de pouvoir la reconnaître ;
3. comment s'appellait-elle ?


Bref, j'étais dans les conditions parfaites pour un rendez-vous, non ?
Je crois me souvenir que l'heure en était fixée à 15h ; vers 15h30, je me réjouissais d'avoir vu juste, tout en étant déçu qu'il n'y ait pas eu de miracle...
J'ai laissé passer les quarts d'heures, en connaissance de cause : je savais évidemment que j'attendais en vain ; mais je voulais aller au bout de la logique, et surtout au bout de ma patience ; je sais désormais qu'elle ne disparut qu'au bout de deux heures et quart ! Car, jusqu'à 17h15, j'ai attendu. Je ne sais plus vraiment ce que j'attendais, mais j'ai trouvé l'expérience enrichissante. Si bien que mettre sur le papier tous les sentiments qui m'assaillirent alors, ne fut pas très compliqué.
A l'exception d'un ou deux vers qui me font un petit peu tiquer, je ne renie pas l'ensemble : il traduit très exactement mes réflexions du moment, même si dans le texte, la fille finit par arriver, ce qui ne fut pas le cas dans la réalité ; mais dans la réalité, j'avais eu le temps, tout le temps, d'imaginer qu'elle arrivât !
Je me souviens aussi que "sous le cheval", bon nombre de rendez-vous étaient donnés, et bon nombre de lapins posés. Pendant ma longue attente, j'avais eu tout le loisir d'observer d'autres rendez-vous : des garçons arrivant, attendant leur copine et repartant avec ; l'inverse aussi, certaines filles arrivant avant leur copain mais finissant rapidement par le retrouver. J'eus également la "chance" d'observer des types arrivant, attendant et repartant seuls. L'un d'eux, arrivé vers 16h30, me parut assez sympathique, parce qu'il me repéra immédiatement et s'amusa de notre attente commune ; moins patient que moi, il décréta à 17 h qu'elle "ne viendrait plus" et il quitta la place en me prenant à témoin de son infortune (infortune relative puisqu'il en rigolait largement) : "pour un lapin, c'est un sacré lapin !".
Cette phrase me replongea dans le moment : au-delà de mon attente "poétique" j'étais à l'origine venu pour un rendez-vous avec une fille et cette fille m'avait posé un lapin, ni plus ni moins. Le mieux était encore que je déguerpisse... Ce que je finis par faire.
ce poème a rencontré son public en au moins deux cas : d'abord, peu de temps après l'avoir écrit, j'en cédai ce qui s'avéra être sa seule retranscription, à un certain David. L'ayant (difficilement mais fidèlement) retrouvé dans ma mémoire, je le recopiai et le sauvegardai alors. Et Marianne, l'an dernier, me le réclama ; celui-ci expressément. Preuve qu'il peut s'avérer tout à fait parlant pour quelqu'un ! Pour moi, je ne le classe pas dans mes préférés ; quand il s'agit d'évoquer mes écrits les plus efficaces, bien sûr, il est dans le peloton de tête, mais sinon, à mon goût personnel, il est dans la moyenne haute, sans plus. Est-ce que ça aurait été différent si elle était finalement venue ?

La reproduction qui figure ici est celle parue dans Le Renégat N°3 ; le dessin superbe est l'oeuvre de Milka Poser.

Petite réflexion en passant : les circonstances décrites dans ce texte ne pourraient plus exister à l'heure du téléphone portable...