samedi 9 octobre 2010

Les sens ordinaires

Bon, ben, ça se tire les amis ! Sans aller jusqu'à considérer qu'on approche les fonds de tiroirs, je dois admettre que j'en suis à valoriser le second choix. Et puis, après tout, relisant avant de le mettre ici cette "ivresse des sens" je réalise qu'il a quelques qualités ; même si je ne pense pas que c'est le genre de textes dont je me prévaudrais partout, s'il advenait qu'on me demande d'en assumer le paternité, je ne renierais pas cet enfant.
Si mes souvenirs sont exacts (et en général, ils sont excellents !) j'ai écrit "l'ivresse des sens" un matin dans le bar trop grand et trop propre en face de la fac. J'y tenais une sorte de quartier général et généralement solitaire. Bah ! Je travaillais comme veilleur de nuit à l'époque et je m'autorisais donc à sécher à peu près tous les cours. Une clope, un café, un bloc pour écrire, et j'étais parfaitement à l'aise.
Dans ce texte, je voulais bien entendu faire un parallèle entre deux impressions qui m'ont toujours paru très proches : le curieux sentiment coupable qui nous étreint après un plaisir plus ou moins mérité, plus ou moins usurpé que ce soit en l'occurrence après le sexe ou après la cuite. Il y a à mon sens une sorte d'analogie que les virginaux sexuels ou alcooliques ne peuvent pas connaître. Ces deux populations étant évidemment assez peu nombreuses, je résolus de m'adresser à tous les autres, c'est à dire l'immense majorité de mes contemporains qui ont au moins une fois dans leur vie eu une expérience sexuelle et pris une cuite (il n'est pas tout à fait nécessaire que ces deux événements aient été concomitants pour rendre valable la démonstration...)
Il faut dire que le contexte, comme chaque fois, avait eu un impact majeur : je venais de voir tard sur Arte un docu plutôt bien fait qui pointait les analogies entre la femme dans sa dimension sexuée et maternelle, et la guerre faite par les hommes (mâles) ; un truc assez troublant : la première bombe atomique s'appelait "little boy" et Paul Tibbet, le pilote du bombardier Enola Gay (comment je fais pour me souvenir d'un truc à ce point secondaire que le nom du pilote en question ? Ça me dépasse...), bref le nom "Enola Gay" est celui de sa mère... Troublant non ? Et que dire de Saddam Hussein et de son appel à "la mère de toutes les batailles" ?
Re-bref, j'étais donc bien dans l'état d'esprit du gars qui cherche des corrélations partout... Dans le même temps, je venais de découvrir, parce qu'un film l'avait reprise en titre, l'expression "post coïtum, animal triste" ; je ne pouvais pas laisser lasser cela... Donc, allons-y pour les rapprochements oiseux.
Et puis, à y bien regarder, sans même verser dans les chansons à boire, il y a bel et bien une analogie entretenue entre la beuverie et le sexe. Est-ce vraiment un hasard si tout se fait derrière l'expression "un dernier verre à la maison" ? Est-ce hasard si les orgies ne se conçoivent qu'avinées ? Il y a dans la volonté de dépasser ses inhibition, un recours massif aux subterfuges qui nous y aident : au premier rang desquels ont place habituellement l'alcool mondain, censé (davantage par posture que par réel effet) nous mettre en situation de passer les derniers remparts...
Cette frénésie commune à vouloir consommer, à vouloir consumer m'a toujours paru suspecte, et d'abord parce que globalement, j'avais toujours du mal à consommer... J'ai l'alcool triste, et le sexe timide... Autant dire que dans un cas comme dans l'autre, il faut remplir mon verre...
Revenons au texte en lui-même : je ne sauve qu'un vers de cet texte pas inoubliable : "les alcools que l'on puise aux lèvres entrouvertes" ; image à l'érotisme trouble ! Et que les plus distingués linguistes auront tout à fait comprise...
Je ne peux pas dire que ce texte ait jamais suscité beaucoup d'enthousiasme ; il est reproduit ici tel qu'il figurait en 1995 dans Le Renégat N°4 ; il constituait une sorte de lecture que je voulais récréative, un poème pas trop nébuleux ni hermétique à la portée de tout le monde. je dois admettre que quelques uns de mes lecteurs ont souri ou pouffé au moment de "il faut payer tribu à l'implacable loi / A près la beuverie vient la gueule de bois." Oui, sauf que je n'avais pas écrit cela pour faire drôle... C'était, sans profondeur certes, le fond de ma pensée... Mais après tout, si en faisant sourire malgré tout le message passe, pourquoi s'en plaindre ?

mercredi 14 juillet 2010

Le poète aime les tunes !


On pourra pas dire que je suis esclave de l'internet et des blogs qui y pullulent... Ce serait même plutôt l'inverse. Mais bon, je me faisais royalement chier l'autre jour et cliquant sur le lien qui m'emmène de temps en temps sur Le Cénotaphe je me suis dit que ce serait bien d'y mettre d'autres textes qu'après tout je ne renie pas trop.
Voici donc
Heures infinies un titre bien bien pourri pour un texte qui a son histoire. Son écriture fut assez rapide, en fac bien entendu. Je voulais relater la solitude du poète et sa démarche créatrice. Bon, il est de facture assez simpliste : une seule rime par strophe. En fait, je voulais dès l'origine écrire une sorte de chanson : je suis fasciné par ceux qui écrivent des chansons, leur capacité à sortir d'une métrique unique dans le texte, la capacité à composer des textes qui puissent laisser une place récurrente à un refrain. Je suis moins admiratif de la mise en musique des textes ; il suffit de réécrire même mentalement certaines chansons pour s'apercevoir que plaquer un texte sur une musique ou l'inverse n'est pas si compliqué. En revanche, écrire un texte avec une respiration chansonnesque, ça ça m'épate.
En règle générale, j'aime dans les chansons décortiquer la façon dont elles sont construites. Et parmi les bâtisseurs, j'admire particulièrement la technique sûre de
Brassens, de Nougaro (alors que ces chansons m'agacent la plupart du temps, je reconnais qu'elles sont très très bien construites)... Renaud aussi (au moins dans sa période "chanteur énervant") savait faire une chanson. Bref, ça devait être une chanson, mais comme je ne sais pas faire... c'est resté un petit poème. Toutefois, je reconnais à ce texte au moins deux ou trois petites choses intéressantes. Au-delà de l'exercice d'une rime par strophe, on reste dans l'alexandrin classique. Je suis satisfait de quelques images créées par le texte : cette idée de la strophe 2 où les nuages sont les subterfuges pour évoquer les couleurs et les dessins sur la surface de la mer ; on le comprend notamment quand je dis que le vent "modelait" ces paysages. Bref, en sorte de peintre de marine, je voulais évoquer les jeux de lumière entre cieux, nuées et flots. Je pense avoir réussi au moins cela... J'avais dans mes souvenirs, l'image d'une arrivée au port d'un grand voilier, dans un ciel flamboyant. Je n'ai pas retrouvé cette image, mais ça ressemblait vaguement à ça :






Je voulais mettre ce texte sur le
Cénotaphe pour une autre raison : quand je l'ai écrit, le mot "tune" était donné avec deux acceptions courantes ; l'une évoquant l'argent en langage vulgaire, l'autre donné pour synonyme à "tunage", sorte de digue en tressage de branches... Or, cette dernière acception a depuis disparu des dictionnaires courants : je ne l'ai plus retrouvée que dans le Littré, réputé comme gardien d'un langage hors d'âge... Pire, le mot "tunage" n'est plus désormais associé qu'au "tuning" ! En gros, si je ne ma magne pas de faire exister ce texte maintenant, dans quelques mois il ne sera plus qu'une curiosité faisant rimer "dune" avec la bagnole maquillée du voisin... Consternant !
Une fois ce texte écrit, je l'avais fait lire à ma sœur et nous nous étions mis à le chanter sur l'air de je ne sais plus quelle chanson de
Renaud ; une chanson lente et sur laquelle on aurait pu chanter n'importe lesquelles des alexandrins ; mais enfin, il y avait dans cette initiative comme une sorte de retour aux sources du texte, puisque précisément il devait à l'origine être une chanson.
J'aime assez ce texte, même s'il commence assez mal : "j'eus" c'est assez moche ! L'entame est donc ratée ; le reste est efficace à mon sens, mais sans génie réel. La reproduction ci contre est issus du
Renégat N°4 ; le dessin est de Milka Poser.