mardi 21 juillet 2009

Le fond de l'erre effraie

Attention, vieillerie ! Nous sommes en avril 91 ; la fac à Lyon et une furieuse envie d'écrire ; 16, 18, 21, 24 : en quelques jours, pas loin d'une dizaine de "poésies" assez inégales ; dont "Errance", qui ne me faisait pas trop honte. D'abord, j'avais sous les yeux à l'époque le cimetière de la Guillotière et donc une source d'inspiration à exploiter d'urgence ! Mais bon, il en va des inspirations obligées comme du reste : quand on se force, ça se sent et c'est pas bon...
Je voulais plutôt créer l'originalité dans la forme avec notamment cette répétition à la fin de la strophe du premier vers, et des rimes ainsi à la fois croisées et embrassées. Je trouvais ça vachement osé techniquement et j'avoue d'ailleurs que j'en ai un peu bavé (à Lyon, on aurait écrit "j'avoue d'ailleurs que je m'en suis vu...")
Bref, j'étais assez satisfait, sauf que le deuxième vers ne rimait avec rien à l'origine. Une rime de chanteur de variété ; à l'origine donc, on av
ait "...ma conquête S'EFFONDRE" qui était censé rimer avec "sur ces récifs noirs SOMBRE" ; Vous voyez bien que ça ne rime pas...
C'est mon cousin qui ayant lu ce texte je ne sais plus trop comment, me fit une correction qui est reproduite ici : "Je ne puis plus qu'errer dans la marre des ombres" c'est de lui et pas de moi ; outre la légitime frustration que j'avais de produire un texte qui ne fût pas à 100% de mon cru, j'ai toujours trouvé que ce vers ne collait pas avec le reste, qu'il n'était pas tout à fait dans le ton... Mais bon, j'ai publié tel quel ; c'est Jérôme qui se chargea des dessins ; autant les tombes, j'adhère, autant sa sirène je lui ai toujours trouvé un air putassier assez prononcé... Quand je revois cela maintenant, il me saute à la gueule que le plus grave c'est encore que la fameuse sirène n'est pas dans le bon sens ; elle devrait regarder vers la droite... J'ai toujours, et suis encore, été fasciné par ceux qui sa
vent dessiner ; moi qui ne sais pas tirer un trait droit, je suis épaté de voir naître des personnages et des paysages en deux ou trois coups de crayons ; même en décalquant ça me prendrait des semaines... Quand Jérôme me disait (déjà à l'époque) qu'il ne savait pas dessiner, j'accueillais cette remarque avec un haussement d'épaules ; mais je reconnais qu'ayant par la suite vu de quoi étaient capables Milka (surtout) puis Claude Poser, je dois admettre que le bon Jérôme avait quand même un peu de lucidité dans cette modestie affichée...
Bref, le dessin n'est pas terrible et le texte un peu biaisé. Il se trouve que ne reculant devant aucun effort, j'ai réécrit ce texte. En 2004.
Non seulement j'ai évidemment repris ce vers étranger, mais j'ai aussi réécrit en profondeur l'essentiel du texte ; et je trouve la version 2004 nettement plus parlante ; même sans dessin, non ?
La réécriture est un exercice difficile : tout reprendre c'est trahir ; laisser en
l'état c'est vivre avec une insatisfaction sempiternelle... Je comprends mieux pourquoi chez les peintres, on appelle ça un "repentir".

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