vendredi 3 juillet 2009

"Oyez mon bon conseil : quand on vous pose un lapin, prenez votre pied tout seul !"


1992 : j'étais raide dingue d'une dénommée Catherine, qui n'était pas vraiment raide dingue de moi, mais bon nous étions ensemble. Surtout moi.
Un soir d'été, je tâchais de tromper mon ennui en traînant dans un pub du centre-ville ; je pensais qu'avec un peu de chance je l'y trouverais.
Et puis bon, je me suis offert ce soir-là un peu de désespoir facile et à bon compte. J'ai écrit ce truc assez facilement ; chose étonnante, une femme (moche) d'une bonne trentaine d'années (j'en avais pas tout à fait 20) m'a fait ce soir-là un méchant rentre dedans ; pas très subtil ! Pas très subtile non plus ma façon de faire apparaître cette femme dans mon histoire :
"Et là, quelle misère, une femme s'ennuie,
Invite qui veut bien à partager son lit,
Si toutefois on veut, avant de tant en faire
S'asseoir à côté d'elle et lui offrir un verre."

De toute façon, j'étais concentré sur mon texte et ne pensais qu'à ça, mais l'écriture de ces quelques alexandrins reste du coup dans ma mémoire comme un moment riche d'une dualité particulière ; à la fois un moment de (bonne) création, et à la fois un moment où la mo(u)che est dans le lait. Comme quand vous avez la chance de profiter de quelques secondes d'absolue sérénité, et qu'un crétin sifflote la musique de pub de Darty.... Chaque fois que vous vous remémorez le moment de grâce, le contrat de confiance vient tinter à vos oreilles ; de quoi s'endurcir dans la certitude que le diable existe...
Sur l'aspect graphique de cette mise en page, aussi, une petite anecdote. J'ai publié ce poème dans le N°2 du Renégat ; texte brut sans graphisme ; quelques semaines plus tard, mon ami Jérôme m'appelait pour me dire que "pour tuer le temps" il avait illustré un de mes poèmes et qu'il avait choisi celui-là "parce qu'il y a beaucoup de personnages". Ses dessins étaient assez réussis, mais il avait laissé un fond blanc qui me dérangeait ; n'écoutant que mon courage, je décidai de mettre le tout sur fond noir, et je réalisai le pathétique montage que je reproduis ici... Bon, avec les photocopieurs de l'époque, on ne voyait même pas les différences de noirs ; mais avec les scanneurs d'aujourd'hui, la supercherie me renvoie vers le faussaire à la petite semaine...
Chose amusante, mon ami Jérôme a dessiné un type au regard noir sous de gros sourcils taroupés et qui me ressemble assez ; il maintien que ce n'était pas volontaire : admis, au bénéfice du doute !

Pour le titre, je l'ai emprunté à une chanson de Carmina Burana que j'écoutais en boucle à l'époque.

Pour revenir au texte, j'ai été très très embêté par le dernier vers :
"Et qui sera ma femme. Celle que j'aime en somme !"
Il comporte 13 pieds au lieu de 12 ; un vers boiteux (un vers de 12 pieds... Il n'y a qu'en français qu'on ose dire des énormités pareilles !) ; d'ordinaire, j'arrive à m'en accommoder, mais là, impossible de décoincer ; les mots sont ceux que je voulais mettre ; pas possible de déroger...
Reste à se dire "tant pis, ça restera comme ça !" mais c'est un élément qui pervertit encore ce bon moment de création ; un peu comme si le crétin de tout à l'heure de surcroît sifflotait faux...
Et puis j'ai appris dans l'intervalle que Racine et Rostand avaient en leur temps ausi produit des alexandrins de 13 pieds... "Et quelqu'un me disait, hier, au jeu chez la Reine :"(Cyrano de Bergerac ; V ; 2)...
Alors bon... Et Catherine ne valait même pas Roxane !

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