vendredi 17 juillet 2009

"Observons deux papillons"

Très précisément le 16 juin 1993 ; en cherchant un tout petit peu, je pourrais même retrouver l'heure à laquelle j'ai posé un point final à ce texte superbe (si, si, il est superbe !).
A l'époque, j'étais veilleur de nuit, ce qui par définition me laissait pas mal de temps à perdre et à versifier dans le vide. Cette nuit-là, j'avais donc du temps à tuer ; il faisait une belle et sèche chaleur comme on n'en connaît plus guère depuis ; un temps doucement caniculaire mais qui laissait les nuits fraîches et les petits matin aux frontières de la grâce céleste.
C'était donc un petit matin des jours les plus longs de l'année, un de ceux que je prenais plaisir à surprendre vers quatre heures et demie. C'est fantastique comme le jour se lève vite en été, et comme il décline lentement. Le matin, tout commence par quelques plaintes d'oiseaux ; distantes et sporadiques. Les insectes nocturnes se sont tus depuis longtemps ; j'ai remarqué cela : les oiseaux ne prennent pas la suite des grillons ; il existe un temps où tout, absolument tout, semble endormi.
Bref, ce petit matin là, je venais d'achever ce texte trouble. Il est pour moi marquant à plus d'un titre. D'abord c'est le tout premier texte fait pour quelqu'un. "Quelqu'une" en l'occurrence, évidemment. Pascale était son prénom ; par un concours de circonstance très bien alimenté par nos personnalités respectives, nous étions elle et moi tombés amoureux à distance ; par courrier en quelque sorte ; et moi qui ai toujours aimé écrire (cette façon de parler sans être interrompu) cette relation me plaisait beaucoup : je passais même d'assez longues soirées à écrire à Pascale qui vivait à Bordeaux ; étrangement, elle me répondait rapidement et des lettres tout aussi conséquentes ; et chacun sait qu'une telle attention portée à l'autre donne quelque chose de rare et de précieux. Donc à la mi-juin, j'étais éveillé dans la nuit et impatient dans la semaine ; il était prévu que Pascale et moi nous rejoignions au Salon du Bourget pour voir quelques beaux avions (car j'ai toujours aimé les avions).
Et l'impatience le disputait à la belle sérénité du jour naissant. Je voulais offrir sur papier à Pascale ce que ma pudeur n'oserait jamais aborder. Je savais qu'on la surnommait "Papillon", en lien avec un tatouage qu'elle portait et qui représentait un papillon (il faudra d'ailleurs un jour faire une étude sur le nombre de filles qui portent un papillon en tatouage ! Impressionnant ! Me fondant sur ma propre expérience, j'estime que plus de la moitié des femmes tatouées choisissent un papillon comme image ; la référence manque à mon avis d'imagination mais est simple à déchiffrer : les couleurs, la métamorphose, la fragilité délicate de l'insecte, son caractère craintif mais "apprivoisable", voire sa capacité à "papillonner"... Mais revenons à nos papillons.)

Donc, une sorte d'ode au Papillon ; du reste, la métaphore m'était servie sur un plateau : la fleur qui se butine, comme une sorte d'allégorie crue de la fellation ou du cunnilingus, selon comment on voit les choses... et pour être tout à fait clair, j'avais demandé à Claude Poser de rendre explicite par l'illustration ce qui était déjà assez limpide.
Au final, le texte fit son effet, bien entendu. Il fut longtemps celui que je considérais comme le plus accompli.

Sur la forme, alexandrins classiques, mais pas de strophes, ce qui est rare chez moi, voire unique ! En tout, 16 vers ; rimes croisées, ce qui n'est pas mon type préféré...
Je suis notamment très fier des 4 derniers vers. Le titre : m'est venu comme une évidence ; quel autre choisir ?
Le pseudo : preuve flagrante qu'on peut se croire aérien aux limites du vaporeux et finalement sombrer dans le lourdingue : "Hugues Malreste", c'est "Guy (de) Maupassant" ; "Guy" donnant "Yug" à l'envers et "maux passant" devenant "mal reste" ; consternant...

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