mardi 7 juillet 2009

Le doigt pressé... dans l'oeil

C'est curieux de voir comment dans la poésie plus qu'ailleurs on peut rapidement devenir complètement nébuleux. Il est même fréquent que les artistes en tirent quelqu'orgueil, considérant que pour arriver à être un authentique incompris, donc un artiste avéré, le plus court chemin est encore d'être incompréhensible.
Bien entendu mon éducation moyenne dans un milieu moyen me garantit à jamais de sombrer dans cette facilité de boutonneux sur le retour. En revanche, ce texte recèle un caractère unique dans mes écrits : il n'est pas compris. Mille fois, j'ai fait lire ce texte, puis demandé au lecteur : "de quoi s'agit-il ?" ; eh bien pas une seule fois on m'a répondu dans les clous. Pourtant, tout en me croyant très subtil, j'avais créé un titre qui ne devait selon moi ne laisser que les débiles profonds sur les bords incertains de la circonspection : Téhespé ; c'était quand même pas aller chercher très loin pour des gars qui avaient biberonné du Hergé toute leur jeunesse, non ? Si "Hergé = RG = Georges Rémi", alors il me semblait que tout le monde aurait fait "Téhespé = TSP = TéléSPectateur" comme chacun sait, non ?
Eh bien non...
Pourtant dans cette version graphique, Claude Poser avait parfaitement réussi à mettre en image pile-poil comme je le rêvais ce texte plus énigmatique que voulu. Franchement, maintenant que la clef est livrée, n'est-il pas évident que j'évoque ici le dérisoire sentiment de toute puissance du pitoyable téléspectateur ? Et la télécommande au premier plan, c'est quoi ? Une calculatrice ?

L'écriture de ce texte si j'ai bonne mémoire ne fut pas du tout laborieuse ; les idées bien en place, j'étais même assez content de mes deux dernières strophes... J'ai écrit ce texte précisément le 2 mars 1994, ce qui en fait un de mes derniers textes, un des plus récents, et je l'ai presque aussitôt publié dans le N°4 du Renégat ; je l'ai signé "Claire Robin"; pour la première fois j'utilisais un pseudo féminin ; pour la petite histoire, j'ai rencontré très longtemps après une vraie "Claire Robin" ; ce qui en fait me réjouit : dans la mesure où j'avais choisi ces nom et prénom pour qu'ils sonnent très très communs, il était normal qu'ils se retrouvent un jour ou l'autre. Globalement, c'est la seule chose réussie dans ce poème ; parce que le vrai ratage, la vraie bourde, ce n'est pas encore ce titre abscons ; de cela encore, j'aurais pu aussi m'accommoder, estimant finalement qu'être nébuleux ne voulait pas dire être incompréhensible et que c'était là la première marche vers la consécration d'artiste incompris...
Non, le vrai ratage, c'est ce dernier vers (pour la route) "D'un pressement du doigt, il éteint, misérable." Je trouvais que ça envoyait vachement... Sauf que même publié, retravaillé, illustré, je ne m'étais pas aperçu que "pressement" ça n'existe pas ! C'est "pression du doigt" qu'il fallait écrire ! Le pire, la lie de l'humiliation pour moi, c'est que "D'un pressement du doigt" ou "D'une pression du doigt", c'est le même nombre de pieds... Je ne peux même pas me planquer derrière une sorte de choix métrique ; flagrant délit d'incompétence...

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